De la molécule au principe actif

Le cheminement rationnel visant à concevoir ou identifier une molécule apte à devenir un « principe actif » peut être initié lorsqu’une relation de causalité est établie entre la pathologie que l’on souhaite traiter et un mécanisme moléculaire.


Afin de corriger le défaut moléculaire identifié (la cible thérapeutique potentielle), il est possible d’utiliser la modélisation des interactions ligand-cible, afin de concevoir des molécules adaptées, ou alors de s’en remettre « au hasard » en testant l’activité de molécules issues de la grande diversité moléculaire apportée par les substances naturelles, la chimie de synthèse et la chimie  pharmaceutique… voire un mélange des deux approches. Les molécules  identifiées à ce stade ne sont généralement pas assez actives. Pour améliorer leur efficacité, un travail d’«optimisation moléculaire » doit être entrepris en intégrant les aspects prédictifs des futures  propriétés physico-chimiques qui conditionneront l’absorption, la distribution, la métabolisation et l’élimination de la molécule, sans oublier les aspects toxicologiques. Les composés issus de cette  sélection gagnent le nom de « principe actif »… mais on est encore bien loin du médicament ! Illustration avec l’exemple d’une molécule active isolée d’une plante tropicale.

Meiogyne cylindrocarp

Le cancer est un enjeu de santé publique majeur. Une des approches pour lutter contre cette maladie consiste à rechercher de nouvelles molécules actives dans des produits naturels (plantes, organismes marins, etc.).

L’apoptose (ou mort cellulaire programmée ou suicide cellulaire) est le processus par lequel des cellules déclenchent leur autodestruction en réponse à un signal. Elle répond à un besoin physiologique des organismes pluricellulaires et est génétiquement programmée. Dans de nombreux cancers cependant, l’apoptose est inhibée par la surexpression de protéines antiapoptotiques ce qui conduit à une croissance incontrôlée des tumeurs et au développement de résistances à la chimiothérapie. Notre équipe a entrepris, il y a quelques années, le criblage d’extraits de plantes d’origine  géographique variée sur différentes cibles biologiques, en particulier certaines protéines de l’apoptose. Cette étude préliminaire a conduit à la caractérisation d’un nouveau composé, la meiogynine A, isolé des écorces de Meiogyne cylindrocarpa, une plante de Malaisie. La meiogynine A possède une activité biologique assez importante sur certaines protéines antiapoptotiques et présente une structure chimique originale. Sa synthèse, ainsi que celle de plusieurs analogues, a été effectuée au laboratoire en suivant une voie biomimétique (c’est-à-dire la voie de synthèse probable de la molécule dans la plante). Actuellement, en collaboration avec une équipe de Résonnance Magnétique Nucléaire (RMN) et de modélisation moléculaire, nous développons la synthèse de nouveaux composés plus actifs, dérivés de ce produit naturel.

CONTACT :
Fanny ROUSSI
ICSN – Institut de Chimie des Substances Naturelles (CNRS), www.icsn.cnrs-gif.fr