Quand la chimie nous donne de l’énergie

À l’interface entre la chimie de synthèse et le génie des procédés, les électrochimistes œuvrent pour que l’hydrogène et le dioxyde de carbone deviennent les carburants de demain.

Pile à combustible au méthanol © Stahlkocher / NASA

En quelques milliards d’années, l’activité photo-synthétique naturelle a conduit à la formation de grandes quantités d’hydrocarbures dans le sous-sol terrestre. Leur combustion accélérée depuis la révolution industrielle a conduit à relarguer des quantités phénoménales de CO2 dans l’atmosphère. Outre l’impact climatique, ces ressources énergétiques s’épuisent et l’attention de la communauté scientifique se tourne vers les énergies renouvelables qu’il va falloir stocker, par exemple en produisant des carburants de synthèse.

Produire de l’hydrogène « vert »

Une première solution, considérée depuis le premier choc pétrolier en 1973, consiste à utiliser un cycle énergétique sans carbone reposant sur la décomposition de l’eau à partir d’énergie solaire. Il s’agit de la fameuse « société hydrogène » consistant tout d’abord à produire H2 et O2 dans un électrolyseur. H2 est ensuite stocké, transporté et distribué – c’est donc un « vecteur énergétique »– et O2 relargué dans le réservoir atmosphérique. En fin de chaîne, H2 est recombiné à O2 atmosphérique dans une pile à combustible pour la cogénération différée d’électricité et/ou de chaleur. L’ensemble des briques technologiques nécessaire à la mise en œuvre de ce cycle existe déjà. La recherche actuelle et les objectifs sur les 10-20 prochaines années porte essentiellement sur la découverte de nouveaux matériaux fonctionnels et sur le développement et l’optimisation de procédés économiquement viables. Côté électrocatalyse, les chercheurs doivent concevoir de nouveaux catalyseurs, stables en milieu acide, pour remplacer les platinoïdes usuels.Une approche privilégiée par les chimistes de l’Université Paris-Sud consiste à s’inspirer de systèmes naturels et à explorer le vaste domaine de la chimie des complexes moléculaires organométalliques et à moduler leur capacité à échanger des électrons
avec une électrode support.

Valorisation énergétique du CO2

Cependant, il reste difficile d’envisager l’utilisation massive d’hydrogène dans l’industrie automobile. Seul le stockage sous pression (à 350 ou 700 bars) donne satisfaction, ce qui pose de nombreux problèmes de sécurité. Une solution alternative consisterait à construire de nouveaux cycles énergétiques impliquant également le CO2, pour former par exemple des composés hydrocarbonés liquides de bas poids moléculaire tel le méthanol. La réduction électrochimique  du CO2 à partir d’énergies renouvelables offre des perspectives intéressantes. Elle requiert des catalyseurs très  spécifiques, car (i) le mécanisme réactionnel risque d’être en concurrence avec la formation d’hydrogène moléculaire indésirable et (ii) elle pose des problèmes aigus de sélectivité. Là encore, les chimistes étudient les propriétés de divers complexes organométalliques. D’autres approches consistent à trouver l’inspiration dans la nature où il existe déjà des catalyseurs remarquables : les enzymes. Ces protéines comportent des milliers d’atomes mais le cœur de la catalyse se situe dans un site actif de quelques dizaines d’atomes seulement. Les solutions d’avenir viendront donc peut être de solutions « bio ». « Bio » chimiques d’abord : en immobilisant une batterie d’enzymes dans une matrice de dioxyde de titane, il est possible de transformer le CO2 en méthanol. « Bio » inspirées ensuite, le monde biologique servant de source d’inspiration aux chimistes. A plus long terme, il est même possible d’envisager la photodissociation directe de la molécule d’eau et donc la photoréduction du CO2 à l’aide de catalyseurs activés par la lumière solaire : des photocatalyseurs. À quand des « forêts » d’arbres artificiels ?

CONTACTS :
Pedro de OLIVEIRA
LCP – Laboratoire de Chimie Physique (PSUD, CNRS), pedro.deoliveira@u-psud.fr
Pierre MILLET
ICMMO – Institut de Chimie Moléculaire et des Matériaux d’Orsay (PSUD, CNRS), pierre.millet@u-psud.fr