Bio-diesel bactérien : une filière du futur

Comment ferons-nous rouler nos voitures quand le pétrole viendra à manquer ? Le bio-diesel est l’une des voies explorées.

Vésicules de lipides dans des cellules de Streptomyces© J Degrouard , M-J Virolle

Le moteur diesel a été inventé en 1893 par Rudolf Diesel avec de l’huile d’arachide comme carburant. Elle a par la suite été remplacée par du pétro-diesel, issu de la  distillation du pétrole brut. Pour retourner aux sources du diesel, il a fallu penser à adosser le pressage des graines de divers végétaux comme le soja, le tournesol ou le colza  servant à fabriquer les tourteaux pour l’alimentation animale, à la récupération des huiles de ces graines. En effet, seule la partie protéique des graines sert à nourrir les animaux. L’huile contient des triglycérides qui, en milieu alcalin et en présence de méthanol, sont transestérifiés pour donner de la glycérine et du biodiesel.


Sur la piste des bactéries

De nos jours, il y a déjà 7 % de bio-diesel dans le diesel commercialisé. Le bio-diesel, moins polluant que le pétro-diesel car sa combustion ne produit pas de particules fines qui pénètrent dans les voies pulmonaires, génère quand même du protoxyde d’azote. Un autre inconvénient est qu’il concurrence la production pour l’alimentation humaine. Pour pallier ce dernier problème, l’idée est venue de promouvoir la production de bio-diesel par voie fermentaire, soit par des microalgues soit par des bactéries. Les microalgues photosynthétiques captent l’énergie solaire et se contentent d’un milieu de croissance simple et très peu coûteux. Elles accumulent 30 % de leur poids sec en huile. Leurs inconvénients sont qu’il n’y a pas de production la nuit et que la génétique de ces organismes n’est pas développée, ce qui empêche les stratégies d’ingéniérie génétique.
Une autre piste est celle des bactéries oléagineuses qui peuvent accumuler plus de 25 % de leur poids sec en huile. En choisissant des bactéries des sous-bois comme les Streptomyces, on peut nourrir de déchets végétaux, ce qui fait qu’elles ne sont pas en concurrence avec l’alimentation humaine. Les conditions de fermentation sont bien maîtrisées car ces bactéries sont déjà cultivées pour la production d’antibiotiques et il existe des outils génétiques. A l’Institut de Génétique et de Microbiologie, le criblage de 40 souches pour la formation de vésicules de lipides dans les cellules a été fait grâce à des
mesures par spectroscopie infrarouge en collaboration avec le laboratoire de chimie-physique à l’Université Paris-Sud. La production des souches de Streptomyces retenues a été vérifiée par des mesures de chromatographie.

Un défi à relever
Les recherches essayent d’augmenter l’efficacité de biosynthèse des triglycérides. Une recherche des gènes impliqués dans les différentes étapes de la voie de biosynthèse a donc été entreprise en utilisant différentes techniques de génétique à grande échelle et de la bioinformatique. Ce projet est réalisé par un ensemble de laboratoires industriels et académiques. Il a été entrepris sur des levures et sur des bactéries (Streptomyces) qu’on cultive sur des déchets de l’agro-industrie. Les différents partenaires représentent chacun
des maillons de la chaîne depuis la production des déchets végétaux (Téréos-Syral, un sucrier) jusqu’aux consommateurs de bio-diesel comme EADS ou Airbus Industries en passant par des centres d’extraction de l’huile comme Proléa ou le CETIOM. C’est un projet interdisciplinaire à l’échelle du défi que posent les énormes tonnages à produire et les différents problèmes à résoudre pour pouvoir remplacer le pétrole par des bio-carburants.

Transestérification : procédé par lequel les huiles sont mélangées à froid à un alcool en présence d’un catalyseur. Les propriétés physiques des esters obtenus sont alors proches de celles du diesel.

CONTACT
Marie-Joëlle Virolle, Institut de Génétique et Microbiologie , marie-joelle.virolle@igmors.u-psud.fr