De la chaleur sous nos pieds

La Terre est chaude : 95 % de sa masse sont à plus de 100 °C. Cette chaleur présente  partout sous nos pieds constitue un formidable réservoir d’énergie. Peut-on l’exploiter de manière durable ?Les roches qui constituent la croûte terrestre étant isolantes, la chaleur interne de notre planète diffuse lentement vers l’extérieur : le flux moyen à la surface n’est que de 0,07 W/m² (à comparer aux 340 W/m² que nous recevons du Soleil), mais peut être 20 fois plus élevé dans les zones volcaniques. Il existe un fort gradient de température dans le sol : la température au fond d’une mine de 1 km de profondeur est de 20 à 30 °C supérieure à la température de surface, et jusqu’à 100 °C dans certaines régions. Il faut distinguer trois configurations bien différentes pour l’exploitation de l’énergie géothermique selon que l’on se trouve à haute, basse ou très basse température.

Géothermie à haute température
La géothermie à haute température concerne principalement des zones volcaniques où les roches atteignent 150 ou 200 °C à quelques kilomètres de profondeur. Dans le cas le plus favorable, de l’eau y circule naturellement ; lorsqu’on la pompe en surface, elle se transforme en vapeur qui peut entrainer des turbines pour produire de l’électricité. Si la roche ne permet pas une telle circulation, on peut pratiquer une fracturation hydraulique puis injecter de l’eau froide, que l’on pompe une fois chauffée. L’installation de Soultz-sous-Forêts (67) produit ainsi 15 MW d’électricité depuis 2008. Cependant, le calcul montre que si l’aire exploitée est d’environ 1 km², le flux de chaleur provenant de la Terre n’est que de 100 kW. On puise donc de la chaleur « fossile sile » accumulée depuis longtemps, et la température des roches diminue de plus de 0,2 °C par an : à ce rythme de production il ne s’agit clairement pas d’une énergie renouvelable.

… à moyenne ou basse température …
La géothermie à moyenne ou basse température peut s’envisager dans les bassins sédimentaires, avec des températures entre 50 et 100 °C. Insuffisante pour produire de la vapeur, cette chaleur peut être utilisée directement pour chauffer des quartiers résidentiels, des installations industrielles ou agricoles. On la récupère par un système ouvert (pompage de l’eau chaude, remplacement par de l’eau froide) ou fermé (un fluide caloporteur circulant dans des tuyaux). Ici encore, il faut veiller à ne pas prélever plus de chaleur que le flux disponible, faute de quoi la ressource s’épuise au fil des années.

Et aussi à très basse température
La température du sol en surface dépend du chauffage par le Soleil et fluctue selon l’heure et la saison. Cependant plus on s’enfonce dans le sol, plus ces variations s’atténuent : à quelques mètres de profondeur la température est constante et égale à la moyenne annuelle de l’air, soit 10 à 15 °C en France. Cette température ne permet évidemment pas de chauffer directement une habitation, mais lorsque l’air ambiant est froid, elle peut servir de « source chaude » pour une pompe à chaleur qui transfère la chaleur du sol vers l’habitation. L’électricité consommée par la pompe chauffe ainsi 3 à 4 fois plus efficacement que si elle était utilisée par un chauffage électrique. La différence est fournie par le sol, qui est refroidi d’autant et risque même de geler si l’installation est mal dimensionnée. La solution ? Réinjecter de la chaleur dans le sol l’été, par exemple à partir de panneaux solaires. La production d’énergie géothermique dans le monde est actuellement d’environ 60 GW (comparable au photovoltaïque), dont 85 % sous forme de chaleur directe et 15 % d’électricité. Son coût de fonctionnement est faible, bien que l’investissement initial puisse être élevé. Elle peut être vue soit comme une source d’énergie renouvelable, tant que la production reste modérée, soit comme une forme de stockage pour des énergies intermittentes, notamment le solaire.

CONTACT
Marc Pessel, Laboratoire Interactions et Dynamiques des Environnements de Surface (IDES), marc.pessel@u-psud.fr